L’organisation du capitalisme libéral, ou les nouveaux acteurs de l’industrialisation
L’industrialisation paraît consubstantielle au dynamisme du monde de l’entreprise. Avec la seconde industrialisation, la concentration des établissements apparaît comme une nécessité, bien que les petites structures professionnelles persistent. Faible en Grande-Bretagne ainsi qu’en France, la concentration est intense en Allemagne et aux Etats-Unis. Ainsi, trois grands groupes dominent la chimie allemande (Bayer, BASF, Hoescht) alors que Krupp et Thyssen contrôlent l’essentiel de la métallurgie. Quant au modèle du « trust » américain, il est prohibé par le Sherman Act en 1890 et remplacé par la « holding », gérant et contrôlant les entreprises appartenant au même groupe. L’entre-deux-guerres voit se développer d’autres structures, parmi lesquelles les « cartels », ententes entre entreprises afin de se partager un marché en s’accordant sur les prix. Aussi, la gestion se complexifiant dans l’usine, les salariés sont de plus en plus nombreux. Du fait de la rationalisation du travail, on confère une grande importance à l’ingénieur, lequel joue, dans les ateliers, un rôle majeur dans l’organisation de la production ainsi que dans les laboratoires, où il est alors chargé de développer la recherche. Enfin, les structures commerciales se transforment à leurs tours. Dans la seconde moitié du XIX° siècle émergent en Europe les grands magasins tels le Printemps et Bon Marche, en France, ou encore Harrod’s en Grande-Bretagne, alors même qu’en 1860, Félix Potin crée la première épicerie « grande surface ».
Les grandes entreprises se développant, de nouveaux acteurs naissent : les banques. En effet, bien qu’un nombre considérable de structures professionnelles modestes continuent de pratiquer l’autofinancement, les grandes entreprises nécessitent des capitaux en abondance et, pour ce faire, suscitent l’aide des organismes financiers. Ces grandes entreprises, devant faire face à des investissements lourds, se livrent à une transformation de leurs statuts et se proclament « sociétés anonymes » émettant actions et obligations. Parallèlement, les Bourses de valeurs se multiplient afin d’échanger les titres dont la variation des cours est régie par la loi de l’offre et de la demande. Le système bancaire se développe alors graduellement et se spécialise pour drainer une partie de l’épargne vers les entreprises. En France, par exemple, apparaît la distinction entre « banques de dépôts » (telles le Crédit Lyonnais et ses succursales), s’adressant essentiellement aux particuliers, et « banques d’affaires » (telles Rothschild), se spécialisant dans le prêt de capitaux et prenant des participations dans les entreprises. Les moyens de paiement se modernisent également afin de répondre aux besoins accrus de transactions et d’échanges.
Enfin, une troisième entité intervient pour financer le développement, particulièrement les infrastructures de transports : l’Etat. Seule l’Angleterre, où l’initiative privée demeure intense, fait exception. De telles interventions étatiques contribuent à faire émerger la notion de « service public ». En Italie et en Russie, par exemple, des secteurs de l’administration sont mobilisés afin de se substituer temporairement voire de façon pérenne à l’initiative privée, laquelle demeure insuffisante pour permettre un véritable démarrage industriel. Parfois, l’Etat se fait même entrepreneur, comme en Italie avec les aciéries de Terni. Partout, au sortir de la Première Guerre mondiale, il intervient massivement pour aider à la reconstruction.